Le gouvernement fédéral a dévoilé, mercredi, la prochaine étape de ses efforts pour faire le ménage et encadrer la profession des consultants en immigration. Le ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté, Denis Coderre, a annoncé que cette profession serait bientôt contrôlée par un organisme de réglementation chargé de mettre en oeuvre une série de recommandations issues du rapport d'un groupe d'experts.
Cet organisme aura pour travail d'élaborer un code de conduite, des règles d'admission à la profession, des programmes d'éducation et les règles d'un fonds d'indemnisation des victimes pour, ultimement, mettre un terme aux abus de ceux que M. Coderre qualifie de "vautours". "Quand les gens peuvent se faire radier du barreau pour fraude et que le lendemain ils peuvent s'ouvrir un bureau de consultants en immigration pour faire de l'argent et qu'on peut rien faire, il y a un problème là", a illustré le ministre, qui veut mettre un terme à ce genre de pratiques peu scrupuleuses.
"Nous devons nous assurer que lorsque les gens immigrent au Canada, ils réalisent leur rêve plutôt que de se faire vider les poches par ces vautours", a-t-il poursuivi. En octobre, M. Coderre avait pris position clairement, indiquant qu'il avait l'intention de mieux protéger les immigrants des bandits qui abusent de leur confiance. Il avait mandaté un groupe d'experts pour qu'ils se penche sur la question et lui soumette des recommandations. "C'est le début d'une ère nouvelle en matière d'immigration", a fait valoir le ministre de l'Immigration. Mais avant que tout le processus réglementaire soit mis en place, il pourrait bien s'écouler plusieurs mois, voire deux ou trois années, a dû admettre M. Coderre. La première étape est la formation d'un secrétariat, au sein de son ministère, doté d'un personnel et d'un budget de 700 000 $. Ce secrétariat devra établir le fonctionnement du futur organisme de réglementation des consultants. Outre la situation canadienne, M. Coderre exige que la réalité à l'étranger ne soit pas oubliée. C'est pourquoi il tient à ce que l'organisme se penche sur une façon d'éduquer et de prévenir ceux et celles qui veulent immigrer au Canada. "Ces vautours ne sont pas présents qu'au Canada. Ils existent aussi à l'étranger", a-t-il déploré.
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Passeport pour l'esclavage
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«Titulaire d'un bac en psychologie et d'un autre en travail social, Myriam Bals, cette Française native de Toulouse arrive au Québec en 1987 pour compléter sa maîtrise. Le hic, c'est que l'agence québécoise visitée lors d'un séjour touristique au Québec lui avait vanté le PAFR (
Programme d'aides familiaux résidants / Live-in Caregiver Program, mis au point par Immigration Canada) sous un jour totalement faux. «On m'a fait croire qu'il s'agissait d'un programme de filles au pair comme il en existe en Europe. Je croyais qu'il me permettrait de travailler tout en étudiant. Sauf que le permis de travail délivré aux aides familiales m'interdisait de poursuivre des études... Au début, j'ai cru que c'était une erreur. Je ne pouvais pas croire qu'un tel programme existait au Canada!» Plutôt que de plier bagages, Myriam se résigne à compléter les deux années de travail du PAFR. Exploitée, sous-alimentée pendant 24 mois, elle parvient tout de même à entrer à l'Université de Montréal. Elle choisit alors de faire de cette situation scandaleuse le thème de son mémoire de maîtrise, puis de sa thèse de doctorat. Un choix tout désigné puisqu'en deux ans ses activités au Québec se limitent au polissage de l'argenterie et à l'entretien des parquets de sa patronne.
Selon les recherches de Myriam Bals, 95 % des domestiques étrangères sont victimes d'abus. Contraintes par le programme d'habiter chez leur patron, elles font des heures supplémentaires qui demeurent souvent impayées. Le contrat type suggéré par Citoyenneté et Immigration Canada (il n'existe aucune mesure pour le faire respecter!) fixe le salaire hebdomadaire à 271 $ pour 49 heures de travail. Une véritable aubaine pour avoir sous la main 24 heures sur 24 une femme de ménage doublée d'une nounou. Une expression revient souvent quand on évoque le PAFR: cheap labour.
Au mois de mars 2003 on vendait dans la
Gazette de Montréal des "esclaves" modernes. En effet, des travailleuses domestiques philippines étaient offertes en enchère au site: auctionmart.canada.com, à côté d'armoires laqués, de chaises à bascule, et de lave-auto. L'annonce pour la vente aux enchères a été placée par l'agence Diva International, et présentée par les compagnies Canwest Global. L'article 639964 offrait trois domestiques/gardiennes aux enchères, citant leur valeur au détail à $800.
"On ne peut pas accepter ça", a dit Jasmine DelaCalzada, présidente de PINAY, l'organisation des femmes philippines du Québec. "Déjà le programme fédéral des aides familiales résidentes crée une situation de quasi-esclavage pour nos femmes. Avec ce truc publicitaire, on en fait des biens de consommation, à acheter et troquer comme un tapis."
L'édition du
Devoir du samedi 29 et du dimanche 30 mars 2003 a informé que
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse avait décidé de faire toute la lumière sur cet une incroyable histoire présentée sur le site Internet de CanWest Global. Les médias impliqués, The Gazette, AuctionMart Canada.com, ainsi que l'agence Diva international de Montréal — le «propriétaire» des «biens» mis en vente — seraient dans les prochaines semaines rencontrés par des enquêteurs et des poursuites judiciaires pourraient être intentées, avait précisé la Commission. Pourtant, trois mois sont passées et on ne trouve aucune trace de cet affaire sur le site de la Comission.